Discours du Général de Gaulle du 12 mars 1941


9 mars 1941: Le Congrès des États-Unis vote le Lend-Lease Bill.

Discours prononcé par le Général de Gaulle à la radio de Londres le 12 mars 1941

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Au nom de la nation française, je remercie les États-Unis d’Amérique de la décision qu’ils viennent de prendre, sur l’initiative du Président Roosevelt, en ce qui concerne l’armement des peuples qui combattent pour la liberté.

Cette décision a une portée morale immense.

Elle aura, dans l’ordre matériel, des conséquences colossales.

Du point de vue moral, cette décision signifie que l’Amérique a pris ouvertement parti. Elle a jugé, une fois pour toutes, que la tyrannie des dictateurs constitue le plus grand danger et la plus grande infamie qui aient jamais menacé le monde.

L’Amérique a résolu d’assurer la défaite de l’ennemi par le plus vaste effort d’armement que l’univers ait jamais vu. Mais, en outre, les États-Unis, témoins très bien renseignés, manifestent avec éclat leur confiance dans la victoire des Alliés. Car un peuple aussi avisé, quelles que puissent être ses sympathies, ne prêterait pas à fonds perdus d’aussi gigantesques ressources à des gens qu’il croirait condamnés.

Du point de vue matériel, le concours illimité de l’Amérique apporte à nos alliés et aux Français Libres la certitude d’une supériorité croissante et implacable des moyens. Cette guerre est une guerre mécanique. La puissance militaire s’y mesure presque exclusivement au nombre et à la qualité des machines de combat. Il n’y a pas eu, depuis le premier jour du conflit, il n’y aura pas, jusqu’au dernier, de résultats tactiques, ni stratégiques, importants, sinon par l’action des engins mécaniques. Or, l’industrie américaine est en mesure de produire, et va produire effectivement, pour les donner aux Alliés, tant de navires, tant d’avions, tant de chars, que l’ennemi, martyrisé plus durement chaque jour, n’échappera pas à l’écrasement final.

Aucun homme sensé ne niera qu’il doive se produire jusque-là de multiples péripéties. L’ennemi auquel nous avons affaire est tout à fait capable de remporter encore des succès. Mais la décision prise par les États-Unis le place dans une situation sans issue. Le filet est jeté sur le fauve.

La France continue la guerre.

Elle la continue par sa résistance nationale à la soumission et à la collaboration. Elle la continue par l’effort guerrier d’une partie de ses territoires, de son armée, de sa marine, de son aviation. Des hommes sans conscience ou sans réflexion ont pu croire que le rôle de la France dans la guerre était terminé. Or, depuis l’effondrement momentané qui suivit le soi-disant armistice, ce rôle n’a cessé de s’étendre. La volonté nationale est maintenant redressée, là même et là surtout où la présence de l’ennemi se fait le plus lourdement sentir. La France a des marins belligérants sur toutes les mers. Elle a des aviateurs combattant dans tous les ciels. Ses drapeaux flottent sur tous les champs de bataille. A mesure que passeront les jours, j’affirme que ce poids pèsera plus lourd dans la balance. La France, elle aussi, gagnera la guerre.

Quant aux traîtres ou aux malheureux qui, abusant de la confiance et de la détresse du peuple et faisant le jeu de l’ennemi, ont saisi le pouvoir pour souscrire à la servitude, pour interdire le chemin du devoir à tant de bons Français dans l’Empire et dans la flotte et pour s’enfoncer, heure par heure, plus avant dans le déshonneur de la collaboration, leur provisoire fortune s’écroulera à mesure que reparaîtra la fortune éternelle de la France. Malheur à ceux qui ont joué la défaite de la patrie! Il vaudrait mieux, pour eux, qu’ils ne fussent jamais nés.

La France, avec nous!

Général de Gaulle

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